Spécial chevaux ronds

(Cet article est destiné aux propriétaires d'un cheval de loisirs ayant tendance à l'embonpoint)

Qu'est-ce qu'un "cheval rond" ?

J'appelle un cheval rond, un cheval qui n'est pas forcément rond dans son apparence, mais un cheval qui a tendance à engraisser. Ainsi, un cheval de trait aux formes généreuses, mais qui nécessite un picotin quotidien pour demeurer en état, ne sera pas à classer parmi les "chevaux ronds", tandis qu'un poney welsh typé sport, qui engraisse rien qu'en regardant l'herbe de printemps, fera partie de ces "chevaux ronds".

Qui sont ces "chevaux ronds" ?

La plupart des "chevaux ronds" proviennent de races sélectionnées par un terroir au climat rude et à la nourriture pauvre : contrées nordiques (pour les Fjords, Islandais), contrées montagneuses (pour les Merens, Highlands), contrées battues par les vents (sur les îles Shetland), landes désertiques (pour les New-Forest, Dartmoor), marécages (de Camargue).... Liste non exaustive.

L'année du Cheval Originel

(j'appelle cheval originel, les chevaux tels qu'il étaient avant l'intervention de l'homme dans leur environnement.)

Au printemps, le cheval originel s'investit dans la reproduction. Les juments poulinent, tandis que les mâles combattent pour l'accès aux juments, et saillissent. Cette période concorde avec celle où l'herbe est la plus nutritive.

En été, automne, les chevaux se consacrent exclusivement à manger, en vue de faire des réserves pour l'hiver. (les juments allaitent)

Ces chevaux abordent l'hiver dans un état d'engraissement qui leur permet de survivre à de rudes conditions climatiques. En hiver, les réserves fondent, et le début du printemps les retrouve dans un état de maigreur que l'herbe nouvelle va leur permettre de résorber.

Voilà comment ont vécu, pendant des milliers d'années, nos poneys rustiques : les plus aptes à survivre (et, par conséquent, à transmettre leurs gènes) étaient les animaux capables d'extraire le maximum d'énergie du moindre végétal, même une brindille désséchée. Or nos chevaux domestiques ont exactement le même métabolisme que leurs ancêtres.

Tableau comparatif :

absorption et dépenses d'énergie, chez les chevaux originels et domestiques

emploi du temps cheval originel cheval domestique
se nourrir broute 16H/ jour de l'herbe naturelle, en marchant pas à pas, sur plusieurs hectares broute 16h/ jour l'herbe sélectionnée d'un pré clos de moindre surface
s'abreuver parcourt quotidiennement plusieurs kilomètres pour se rendre à l'abreuvoir dispose d'un abreuvoir dans sa pâture
se reproduire le mâle combat et saillit à chaque printemps, les femelles sont chaque année en gestation ou en lactation/ allaitement le hongre ne dépense aucune énergie, quant aux juments, elles ne se reproduisent pas de manière "intensive" et sont complémentées lors de cette période
travail aucun le cheval de loisirs travaille modérément en général, sauf entraînements spécifiques (concours, endurance, randonnée)
fuite devant les prédateurs de temps en temps, le cheval originel fuit devant des loups ou un puma... non
saisons = été, automne profite de la bonne herbe pour engraisser profite de la bonne herbe pour engraisser
saison = hiver la rigueur du climat fait fondre les réserves de graisse et le cheval originel, maigrichon et affamé, se rue sur la première herbe de printemps la complémentation en nourriture (et un abri douillet mis à disposition) permet au cheval de ne pas perdre ses réserves et le cheval domestique, dodu et gourmand, se rue sur la première herbe de printemps

conclusion : avec un apport de nourriture moindre, le cheval originel a une dépense de calories plus grande, ce qui équilibre son métabolisme, conçu pour ces conditions de vie spécifiques

Le problème de l'herbe

(pour plus d'informations, consultez ce site : Safergrass.org)

Lorsqu'on observe les chevaux domestiques vivant dans des conditions originelles, (les merens à l'estive, par exemple) on constate ce paradoxe : ils ingurgitent autant d'herbe que nos chevaux de loisirs, ne fournissent aucun travail, et gardent une ligne et une forme (et des formes) parfaites ! Pour quelle raison ?

En fait, l''herbe des étendues où ils paissent est naturelle et originelle, contrairement à l''herbe de nos prés.

99% des prés où pâturent les chevaux ont été, un jour ou l'autre, voilà 15, 30, ou 50 ans, ensemencés. Pour transformer une prairie naturelle en pâture, on ne fait pas que poser une clôture ; il faut en outre labourer, herser, ensemencer, tasser la terre. L'ensemencement se fait avec un mélange optimal de graines de différentes variétés d'herbes sélectionnées sur plusieurs critères :

résistance au piétinement ; pousse rapide ; qualités nutritives optimales.

Cela permet aux vaches de mettre bas et produire du lait, aux bouvillons de grandir et forcir, bref cela permet d'optimiser la production agricole.

En outre, un entretien régulier des pâtures permet de conserver un rendement constant d'une année à l'autre :

éviter la surpopulation/hectare, afin de ne pas piétiner et détruire les racines, et de ne pas surpâturer (ainsi chaque animal peut vivre et prospérer, ayant de la nourriture en suffisance) ; faucher les refus afin que leur surface, ne s'étende pas, d'année en année ; épandre les fumiers pour dispenser des engrais azotés et favoriser la pousse de l'herbe.

conclusion : l'herbe que mangent nos chevaux, est pour la plupart, trop calorique pour leur métabolisme.

Les méfaits du surpoids et de l'obésité :

"Il vaut mieux faire envie que pitié", "mieux vaut qu'il soit trop gras, que trop maigre" voilà ce qu'on entend, et souvent, si un cheval dont on voit les côtes émeut les foules, un cheval obèse attirera les regards admiratifs sur ses rondeurs. Hélas, chez nos amis les chevaux, le surpoids est aussi grave qu'une maigreur excessive !

La graisse noie le coeur et les organes vitaux. Pour chaque paquet de graisse que l'on voit sous la peau du cheval, il y en a autant à l'intérieur de son corps, autour de son foie, de ses intestins...

La graisse fatigue l'organisme en général, qui doit fournir plus d'efforts pour se déplacer, entrave le fonctionnement des organes internes, qui doivent éliminer un excès de toxines

le surpoids pèse sur les membres, use les articulations

l'obésité pose des problèmes de fertilité : les juments obèses ont des difficultés à concevoir, à porter (le foetus est comprimé dans la graisse), à mettre bas (fatigue, essouflement, limitation de la place dans la matrice)

Un cheval trop gras a du mal à travailler, s'essouffle, peine à déplacer sa masse, se fatigue très vite. En outre, il a plus de mal à évacuer la chaleur, la graisse agissant comme un manteau isolant. Le cheval risque plus qu'un autre le coup de sang (myoglobinurie) ou le coup de chaleur.

Enfin, le problème le plus grave est sans conteste la fourbure, qui détruit les tissus du pied et peut rendre le cheval invalide, voire nécessiter l'euthanasie.

conclusion : le surpoids est une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos chevaux, le coup fatal/ final étant la fourbure. Il convient aux propriétaires de rester vigilants pour éviter ces problèmes. D'autant plus qu'un cheval ayant dû maigrir conservera, toute sa vie, une propension à être gras, et un cheval ayant été fourbu, aura tendance à la récidive, jusqu'à sa mort.

Solutions pour lutter contre le surpoids :

l'exercice :

on peut faire faire plus d'exercice au cheval. D'ailleurs les poneys régulièrement travaillés, comme en centre équestre, n'ont pas de problèmes d'obésité. Les chevaux qui sont plus travaillés à certaines périodes de l'année (randonnée pendant les vacances) perdent naturellement leurs rondeurs superflues.

Attention ! un cheval trop gros doit être mis au travail progressivement. Les chocs sur les articulations (allures vives) et les activités intenses sont déconseillées. Il faut privilégier du "long et lent", l'idéal étant un travail aérobie comme de longues balades sur des dénivelés : cela muscle le poitrail, les cuisses, les abdos, à une allure lente et sans temps de suspension.

Avantages de cette méthode : le cheval perd sa graisse, tout en constituant de beaux et bons muscles, cela permet de l'aider à maigrir en faisant de l'exercice, aumentant ses capacités pulmonaire et cardiaque, tout en se façonnant une silhouette agréable à regarder, tout en rondeurs "efficaces", musculeuses.

inconvénients : cela demande beaucoup de temps...

solutions : demander à quelqu'un d'autre de travailler le cheval en complément, demander à son patron quelques vacances supplémentaires pour partir en randonnée.

Une idée toute simple : quand un poulain a été introduit dans "mon" troupeau, tout le monde s'est mis à bouger beaucoup plus, un jeune étant exubérant, demandeur de jeux, et instigateur de poursuites. Je ne pensais pas que l'arrivée d'un poulain provoquerait un tel changement des habitudes de vie des adultes.

limiter l'apport de nourriture :

lorsqu'on n'a pas le temps de faire perdre au cheval les calories ingérées, on prend le problème à la base, en limitant la nourriture.

Solutions pour limiter l'apport de calories :

avantages : économies en foin

inconvénients : le cheval prend et perd du poids avec l'effet "yo-yo", cela est éprouvant pour l'organisme qui doit sans cesse s'adapter aux changements métaboliques ; le cheval, affaibli pendant l'hiver, peut être sujet aux maladies, et est indisponible pour le travail. En été, gros et poussif, il sera difficlle à travailler. Le "modèle originel" ne convient pas à nos chevaux de loisirs !

solution : changer de méthode, ou cesser de travailler le cheval

on autorise le cheval à pâturer, à certaines heures : seulement la nuit, seulement en journée, seulement X heures par jour.

avantages : le cheval perd du poids (ou : ne grossit pas) = objectif atteint !

inconvénients possibles : il faut être disponible aux heures de changement d'habitation ; si le cheval est en box, il faut disposer de fourrage, car il ne peut être laissé à la diète complète ; le cheval isolé peut s'ennuyer sans ses amis ; le cheval cloîtré fait peu d'exercice.

optimisation : l'herbe est au minimum de sa concentration en sucres et amidon, dans son cycle quotidien, entre 2h et 10h du matin : l'idéal est de sortir le cheval gras à ce moment-là. (l'avantage est aux noctambules)

on coupe le pré en plusieurs petites parcelles, on laisse le cheval tout manger, et on le laisse sur l'herbe jaunie tant qu'il n'a pas retrouvé sa ligne haricot vert, puis, on le place dans une parcelle verte.

avantages : il est facile de couper un grand pré avec du ruban électrique ; la parcellisation ne demande pas de manipulation quotidienne ; l'entretien des pâtures est facilité, car le cheval ne gaspille pas, en outre, il est facile d'enlever les crottins dans un petit parc (lutte contre le parasitisme)

inconvénients : avec un cheval trop gras, il faut constituer un minuscule paddock, et laisser suffisamment longtemps le cheval sur "presque-terre-battue" pour que le régime fonctionne. Cela conduit au surpâturage qui risque d'endommager le terrain --> il faut être très vigilant sur la vermifugation (enlever les crottins est idéal). Cloîtré sur une petite surface, le cheval fait peu d'exercice. La succession de régime "peu d'herbe jauine/ herbe fraîche " peut entraîner des diarrhées.

optimisation : les études ont démontré que les chevaux bougent plus dans des parcelles longues et fines : clôturer des paddocks rectangulaires et étroits au lieu des habituels carrés.

Pour cela on utilise un panier de régime. Ces paniers forment une grille devant le nez du cheval et à chaque bouchée d'herbe, ils ne prennent que la moitié d'une bouchée normale.

avantages : contrôler le poids du cheval même si on ne peut pas utiliser les méthodes précédentes (chevaux en pension que le propriétaire ne peut visiter 2 fois par jour, cheval en pension dans un grand pré ne pouvant être parcellé) ; le cheval reste dans de grands espaces, ce qui, lui permet de bouger ; le cheval n'est pas isolé de ses congénères

inconvénients : le propriétaire à l'impression, au début, d'être un véritable bourreau pour son cheval (et, en voyant le cheval mincir, d'être un ange instigateur de bonne santé) ; le cheval n'aime pas cela, il faut un temps d'adaptation pour qu'il l'accepte ; les autres chevaux, joueurs, peuvent avoir l'idée d'aider leur malheureux ami à se débarrasser de cet instrument d'ingominie ; les voisins du propriétaire le prennent pour un "torturateur" et préviennent la SPA...

optimisation : il faut impérativement coudre une fragilisation qui permettra au licol de céder si le cheval se prend le pied dans le licol ou le licol dans une branche, une clôture... Il faut souvent rajouter un peu de peau de mouton aux endroits de frottements car le nylon abrase les poils de la tête.

la solution idéale : paddock paradise

le paddock paradise est un pâturage façonné par l'homme pour rendre au cheval une vie la plus proche possible de celles de ses aïeux originels.

 

En outre, le paddock paradise est agencé pour renforcer les pieds des chevaux non ferrés.

avantages : tous

inconvénients : il faut disposer d'espaces de prés, et de temps, pour concocter tout cela.

optimisation de vos pâtures : essayons de copier le paddock paradise ! Faire des parcelles longues et fines plutôt que carrées ; préférer un pré à l'herbe pauvre, où poussent genêts et bruyère, aux prairies verdoyantes ; construire quelques labyrinthes (avec du ruban électrique) qui obligeront les chevaux à faire un détour pour aller du foin à l'eau, de l'eau à l'arbre où ils font la sieste, de l'arbre à la clôture où ils aiment surveiller l'activité des environs...

Et l'hiver ?

"le foin ne fait pas grossir", "le cheval doit avoir du foin à disposition, à volonté". Voilà les conseils que beaucoup de personnes prodiguent mais nous autres, propriétaires de chevaux ronds, nous ne devons pas les suivre. Les chevaux ronds engraissent avec l'herbe, et aussi avec le foin.

Un éleveur m'a présenté sa poulinière fjord qui était rationnée à 7kg de foin par jour, même gestante et allaitante, lors d'hivers rudes. Cette ponette prenait très vite de l'embonpoint de faisait des fourbures. Avec ce régime qui achèverait de grands chevaux de sport, la ponette était en pleine forme.

Il faut donc proposer une quantité de foin raisonnable, et ajuster la distribution en fonction de l'embonpoint du cheval. Un poney qui attaque l'herbe de printemps avec une minceur adéquate deviendra moins vite une boule de gras sur pattes. Un poney qui est déjà un peu trop enrobé fin mars risque la fourbure pour le mois de mai... Le rationnement du cheval rond s'étale sur toute l'année ! Hiver comme été.

Pour lutter contre l'obésité du cheval, il y a plusieurs solutions, qui permettent à tout le monde, d'arriver à limiter le surpoids de son cheval, que l'on soit propriétaire des pâtures ou qu'on ait le cheval en pension, que l'on dispose de peu ou beaucoup de temps, que l'on habite loin ou près de sa monture. A vous de jouer !

un forum pour discuter chevaux ronds, paddock paradise, régimes maigrissants et paniers Greenguard :

1cheval.com

Vous y trouverez des personnes ayant les mêmes problèmes que vous, et des solutions à proposer, des expériences à échanger.

Merci à El Bimbo pour ses idées et conseils !

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