Une vieille selle d'armes

Dans un vide-grenier, j'ai acheté à vil prix une vieille selle d'armes. Il s'agit d'une selle Courtain, modèle de 1911, "utilisée pour l'artillerie à cheval et pour les adjudants sous-officiers et chefs de section" de l'armée nationale belge.

Le modèle etait en service durant la 1ère guerre mondiale et dans l'artillerie hippomobile de la seconde guerre mondiale.


vue de droite

La selle porte encore étrivières et étriers. Le cuir, épais et solide, a peu souffert des ravages du temps. L'arçon est très long et dépasse le siège devant et derrière. Le cuir du siège et des quartiers est piqueté de clous rouillés qui avaient peut-être valeur de décoration.


Et vue de gauche.


L'avant de la selle. Le pommeau porte un anneau en métal carré.


Et voici l'arrière de cette selle. On voit bien les panneaux très longs. La selle d'origine avait un troussequin à palette, mais il a été limé !

--> La palette de troussequin est toujours percée de deux boutonnières ou lumières. Dans ces ouvertures, passe une courroie qui maintient dans l'axe de la selle: fontes ou bissacs ou manteau ou couverture ou toile de tente. Cette palette au gré des règlements militaires disparaît ou réapparaît. Il faut souligner que la palette n'est pas l'apanage de la selle de hussard, elle existe aussi sur celles des chasseurs dragons et cuirrassiers.On s'en sert pour éloigner au maximum un portemanteau volumineux, de l'échine du cheval.


Les bandes d'arçon sont reliées entre elles par des arceaux en métal, larges et très solides (mais lourds !). Le siège en cuir épais et rigide y est fixé avec des boulons ! Dessous, on peut voir le rembourrage, externe, de feutre. Ici l'arceau arrière.


Et voici l'arceau avant, plus serré. Des boulons ont été remaniés, et, comme les écrous étaient trop longs, on a placé des rondelles de métal pour compenser.


Je retire l'étrivière. On peut apercevoir, au dessous, la véritable couleur du cuir d'origine = marron. Des fentes sont pratiquées dans les quartiers, à l'avant et à l'arrière, pour y arrimer des bagages. On voit nettement que a selle penche en avant = elle a sûrement été conçue pour un cheval haut de garrot.


Détail du porte-étrivière. Un simple trou ovale est pratiqué dans l'unique quartier, l'étrivière passe à travers pour venir se fixer sur une barre de métal logée contre la bande d'arçon. Point de fioritures !

Les passants de lanières percés dans le cuir sont renforcés d'une couture régulière. On en voit un à l'avant du quartier et un à côté du pommeau.


Le système de sanglage.  Il se compose de 3 lanières assez largement écartées. Elles sont attachées à l'arçon avec des rivets ou bien des lacets de cuir. Le minuscule quartier en cuir protège le cheval du poids de l'étrivière.


Sous ce petit quartier de cuir, le contre-sanglon avant, malheureusement cassé.


Le système de sanglage, du côté gauche. On peut remarquer un anneau d'attache à l'arrière : cela permettait de fixer la gaine porte-sabre.


Les trois lanières, extrêmement solides, sont intactes.

La sangle originelle était composée de 2 larges bandes faites de cordelettes toronnées, reliées entre elles par le milieu. On sangle une bande à l'avant, une bande à l'arrière, et le milieu de la sangle (où les 2 bandes se rejoignent) est large et confortable sous la poitrine du cheval. Cela fait un sanglage en forme de Y qui permet de maintenir la selle de manière optimale.


Voici le système d'arrimage des rembourrages = un capuchon de cuir à l'avant et à l'arrière, qui englobe les panneaux d'arçon en bois.


Les rembourrages sont tassés, déformés et pleins de vers mais font encore impression !


De près, on voit qu'ils ont souffert des parasites.


Maintenant, y va falloir nettoyer tout ça ! Métal, cuir...


Bois, et feutre de laine !!!


Ici, on peut voir comment le siège est tendu sur les bandes d'arçon = lié par des lacets de cuir.


Le lacet est terminé par un noeud artistique.


En fait, le dessus du siège est rivé avec les boulons tandis que le dessous est tendu avec les lacets de cuir. On voit bien la bande de cuir en longueur.


Sous les quartiers, les pointes des clous, rouillées et recoubées, font de méchants crochets qui détruisent les éponges...


Après le grand nettoyage, ça a plus fière allure.


Je parviens enfin à retirer les rembourrages miteux, après moult badigeonnages à l'huile de pied de boeuf et pas mal d'efforts ! Le capuchon avant est plus court, facile à enlever tandis que le capuchon arrière est le plus profond.


Le deuxième rembourrage en cours d'arrachage. On voit bien ici la différence de largeur entre le bois brut et le bois recouvert de sa matelassure.

Cette selle est extrêmement fonctionnelle et pratique d'emploi. Elle respecte les besoins du cheval, conçue avec une ouverture de garrot large, une gouttière vertébrale bien dégarrottée, des panneaux longs et larges.

Elle est aussi faite pour un cavalier évoluant en autonomie = très solide, faite de bois, de fer et de cuir épais, elle est restée étonnamment bien conservée malgré les années, l'usage et je suppose un stockage de pas mal d'années au grenier ! Les étrivières directement passées dans l'arçon oblitèrent tout risque de couteau d'étrivière qui cède. L'arçon en bois assure un confort au cheval tandis que les arceaux de métal garantissent une longévité inusitée.

Elle est en outre facile à réparer avec le moindre outil. Chaque partie de la selle peut être changée rapidement par n'importe quel cavalier, point besoin d'un sellier chevronné pour effectuer une réparation. Un lacet de cuir suffit à changer un contre-sanglon... d'ailleurs, les étrivières de cette selle m'ont paru anormalement longues, près de 1m50 (plusieurs fois enroulées de l'étrier au couteau d'étrivière) et je me demande s'il ne s'agissait pas là d'une ingénieuse réserve de lanière de cuir "auto-transportée" !

Ces modèles fabriqués en 1911 étaient encore utilisés en 1940, c'est dire leur solidité !

En observant cette selle, je me suis sentie admirative devant le savoir-faire des anciens.

Je vous convie à consulter la fiche descriptive de cette selle telle qu'elle est parue dans un catalogue d'objets militaires anciens :


Je remercie chaleureusement M. Goetghebuer pour les précieuses informations et les témoignages qu'il m'a fournis.

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